C’est au printemps, pendant les grandes marées d’équinoxe que Paul Cornet me demande de lui écrire un scénario. Il aimerait réaliser un film dans la maison où depuis sa petite enfance il passe des vacances, tous les ans, en été.
Je n’en sais pas plus quand il m’emmène dans sa voiture du côté de La Turballe. Je découvre un petit port de pêche sur la route de Piriac, la plage, les rochers, une conserverie, des mouettes et des crevettes qui bullent dans les trous d’eau. Paul me donne les clefs de la maison, juchée sur une petite falaise et me laisse en plan en me disant qu’il préfère que je sois seul pour ne pas être influencé par ses souvenirs de jeux balnéaires…
Quand j’ouvre la porte de la maison, je reçois une bouffée d’humidité, de renfermé, de vieilles odeurs dans le nez ! C’est une maison de vieux ! Et ça tombe bien car je n’ai pas envie d’écrire « Pauline à la plage »… Je vais écrire une histoire de vieux, de papier peint de fleurs fanées, de vieilles clopes mal roulées, de pendule qui fait tic après avoir fait tac, de dialogue mille fois ressassé… Non d’ailleurs ils ne vont plus se causer les vieux ! Ils sont lassés à mort de s’envoyer leurs reproches mutuels !
Et puis, quand j’ouvre la fenêtre qui donne sur le petit port de pêche, la marée d’équinoxe a submergé la jetée…
Je tiens mon histoire, et la période de tournage, ce sera pendant la marée d’équinoxe !
Équinoxe ou la morte saison
Nous demandons à Jeannette Granval et Marcel Chicot, tous deux comédiens au TNB d’interpréter Elle et Il, comme nous les appelons dans le scénario et sur le plateau de tournage.
Il et Elle se croisent mais ne s’adressent pas la parole…
Elle lui sert son café. Lui, roule ses cinq cigarettes pour la journée.
Elle compte les cigarettes et lui retire le tabac, les feuilles et la boîte à rouler.
Elle s’active toute la journée. Lui, se prépare pour aller faire sa promenade quotidienne.
Elle aura fait le petit déjeuner, la vaisselle, les lits, le ménage, préparé le repas du midi…
Lui, après avoir pris soin de « voler » son tabac et de quoi confectionner ses cigarettes,
puis piquer quelques biscuits, il va se planter sur la jetée du petit port de pêche
où il passera la journée et la nuit…
Elle, elle attend !
Son repas refroidit, elle attend toujours…
Puis comprend qu’il ne viendra pas déjeuner. Elle l’observe, il est toujours sur la jetée.
La marée haute va lui tremper les pieds, mais il restera sur son quai
Au milieu de la nuit, il allume ses cigarettes avec son briquet. Elle pense qu’il lui envoie des signaux.
Elle lui répond à l’aide de la lampe de chevet…
Prendre Marcel Chicot comme Monsieur Il relevait du paradoxe. On ne pouvait pas faire plus bavard en dehors du tournage. Marcel était aussi un clown, un raconteur d’histoires, un meneur de revues, de kermesses et autres galas, comme celui de la société de gymnastique « La Nantaise » par exemple…
Enfant, ses mauvaises histoires de Ouin-Ouin me faisaient rire. Sur le tournage, plus modérément. C’étaient les mêmes histoires qu’il sortait d’un petit carnet. A chaque repas, Ouin-Ouin reprenait du service. Toute l’équipe se régalait, se tapait sur les cuisses, et l’applaudissait. Comment faire autrement, d’après le code du travail, il est interdit de fusiller un comédien sur un plateau de tournage !…
Direction d’acteur sur la jetée,
ou dans la maison, c’était un réel plaisir que de travailler avec ces deux comédiens.
Jeannette, grande dame du théâtre s’amusait beaucoup à interpréter ce personnage
de « bonne femme » , comme elle disait, dans notre film.
Jeannette Granval
au Théâtre National de Bretagne
dans un tout autre répertoire…
Ce fut un tournage calme et détendu. Notre équipe logeait sur le lieu de tournage dans deux maisons que nous avions louées, face à la mer. Nous étions aux bains. Il y avait pire comme condition de travail et de vie en septembre 1982, pendant la marée d’équinoxe… Dans Sabra et Chatila par exemple, deux camps de réfugiés palestiniens dans Beyrouth-ouest, les phalangistes chrétiens assassinaient à tour de bras tout ce qui bougeait, en toute impunité … Nous, pour contrer les caprices du temps trop clément, nous devions arroser les vitres au tuyau d’arrosage pour donner l’illusion de la pluie…
Générique de fin
A sa sortie le film fut bien accueilli, dans les festivals et bien primé aussi.
Nous avons même eu droit au « Grand prix du film et des télés des pays celtiques » remis par Nicole Le Garrec la réalisatrice emblématique de « Plogoff, des pierres contre des fusils ».
C’est vous dire !…
Alors là, en voila d’un beau document !
Nous étions bien jeunes et beaux tous les quatre (avec le trophée, qui est aussi très beau)…
Bonjour Janot
Beau travail , très beau travail !
Merci !
Je vais encore prendre du temps pour tout regarder en détail ces moments de création et de réalisation .
Bonne continuation à toi , c’est beau …
Bises
Annie
Tu mettras le film ?
– Merci Annie, c’est trop gentil.
– Non Gwen, je n’ai qu’une copie film en 16mm et je n’arrive pas à introduire la bobine dans mon ordinateur…